Neuve Cense à Gerpinnes

Texte : Thierry Frippiat

Construction

Autrefois située sur l’actuelle place du marché, la ferme dite « Cense de Trouille » cesse ses activités à la fin du XVIIIe siècle. Ses propriétaires, la famille de Bruges, font alors édifier une nouvelle ferme à une centaine de mètres plus au sud. L’emplacement se situe à l’écart du village, sur les hauteurs vers Tarcienne. Par opposition à l’installation précédente, le nouveau site sera baptisé « Neuve Cense ». La construction de ce vaste quadrilatère de calcaire et de briques pourrait avoir nécessité dix-neuf ans. Dans les caves, une porte en chêne d’origine porte la date de 1782 inscrite en clous, évoquant probablement le début des travaux. Avant l’effondrement accidentel de l’arcade du porche nord à la fin du siècle dernier, le millésime 1801, taillé dans la clé en pierre, rappelait la fin du chantier.

Illustration n° 1. La Neuve Cense se trouvait autrefois bien en marge du village.

Sur la ligne de front (21-23 août 1914)

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale vient bouleverser l’histoire paisible de la Neuve Cense. Le 21 août 1914, alors que les Allemands franchissent la Sambre au nord, deux régiments d’infanterie français établissent leurs quartiers pour la nuit dans les vergers et les prairies de la ferme, depuis les environs de la gare jusqu’au « Pont d’Hesdin », à mi-chemin vers Hymiée. Le 22 août, l’ordre est donné d’évacuer le village. Les Français battent en retraite et livrent bientôt Gerpinnes à l’ennemi. Une ultime escarmouche se joue probablement à la Neuve Cense : c’est ce que suggèrent les impacts de balles sur le mur nord de la grange et les nombreuses balles françaises retrouvées plus tard sur les lieux. En face de la ferme, à l’intersection des routes de Florennes et de Walcourt, un cimetière accueille les dépouilles de soldats des deux camps tombés durant l’affrontement. Les corps seront exhumés après la guerre. Le 23 août, au lendemain du combat, Gerpinnes est sous occupation allemande. Sous le prétexte que des tirs auraient été tirés par la population civile, Joseph Bancu, bourgmestre de Gerpinnes, est pris en otage par l’autorité allemande et enfermé dans une étable de la Neuve Cense.

Illustration n° 2. En janvier 1919, des soldats australiens prennent la pose dans le cimetière militaire situé en face de la Neuve Cense.

Expansion

L’après-guerre est marqué par le progrès technique. À la ferme, le tracteur à pneumatiques fait son apparition. Il est bientôt suivi par la moissonneuse-batteuse et la presse à ballots, à la fin des années 1950. À partir de cette époque, les gerbes ne s’amoncellent plus dans la grange après leur récolte, en attendant d’être battues durant l’hiver : on met désormais le grain en sacs et la paille en ballots au champ, avant de les acheminer directement vers leur lieu de stockage. Mais la configuration de la ferme évoluera surtout sous la poussée d’une autre petite révolution : le passage à la stabulation libre. À partir du début des années 1970, l’exploitation est progressivement agrandie de plusieurs hangars au sud du quadrilatère, mais aussi à la rue de Walcourt où s’installe la salle de traite. Les vaches quittent les étables pour déambuler librement dans ces espaces moins confinés. Louée depuis 1952, la Neuve Cense est achetée par Michel et Anne-Marie Frippiat-Binamé à la famille d’Orjo de Marchovelette, en 1980.

Illustration n° 3. Dans les années 1970, le développement de la stabulation libre entraîne la construction de nouvelles infrastructures au sud de la ferme.

Diversification et reconversion

La Neuve Cense atteint son extension maximale dans les années 1990. Au cours du dernier quart de siècle, les grands travaux se succèdent. En 1994, les anciennes écuries sont converties en maison d’habitation. Cinq ans plus tard, la ferme diversifie ses activités en créant une boucherie baptisée « Le Limousin de la Neuve Cense ». Celle-ci s’installe à l’extrémité des dépendances, dans l’angle nord-ouest du quadrilatère. En 2003, l’ensemble est partagé entre Joël et Noël Frippiat. L’exploitation agricole délaisse définitivement les vieux murs et poursuit son activité à la rue de Walcourt, où plusieurs hangars sont transférés. La boucherie, quant à elle, est à l’étroit et prend la place de l’ancien atelier situé à l’extérieur du quadrilatère, dès 2004. Trois appartements sont aménagés dans une partie du corps de logis. Au sud de la ferme, le site est progressivement assaini : le béton et les hangars laissent place à la verdure. Un verger d’une trentaine d’arbres est planté et des jardins sont aménagés. De 2016 à 2018, Noël et Cécile Frippiat-Pierrequin transforment les anciennes étables en maison d’habitation et inaugurent les chambres et table d’hôtes « La Cantinière ». Quant à l’aile située en bordure de la rue de Florennes, elle est convertie l’année suivante en salle de conférences, sous l’appellation « L’Arbre aux Colibris ».

Illustrations

1. Carte postale : la Neuve Cense vers 1900. Coll. Y. Debacker.
2. Photographie : soldats de l’armée australienne. Coll. Australian War Memorial.
3. Photographie : la Neuve Cense au début des années 1970. Coll. A. Poulain.

Citer cet article

« Neuve Cense à Gerpinnes », dans Cercle d’Histoire et de Généalogie de Gerpinnes, Gerpinnes. Histoire et Patrimoine, histoiregerpinnes.wordpress.com.

Mis à jour le 9 février 2020.